Reformulé en termes simples, le problème est le suivant : si mon permis de construire est « presque » légal, puis-je reprocher à l’administration de me l’avoir refusé ? Plus précisément, puis-je lui reproché de ne pas avoir autorisé mon projet, assorti de prescriptions spéciales de nature à le rendre légal ?
Avant l’avis du Conseil d’Etat du 11 avril 2025, une jurisprudence dite « Deville » du 26 juin 2019 n°412429 retenait que, pour un projet susceptible de porter atteinte à la sécurité ou à la salubrité publique (article R.111-2 du code de l’urbanisme), l’administration n’était pas en droit de refuser le permis si :
- Il était possible de remédier à ce risque par une prescription spéciale,
- A condition que cela ne modifie pas substantiellement le projet du pétitionnaire.
En l’occurrence, l’arrêt avait été rendu en matière de risque d’incendies de forêt.
A titre d’illustration de cette solution jurisprudentielle, on pourrait ainsi imaginer qu’un refus de permis serait illégal s’il suffisait de prescrire le déplacement d’une porte entrée pour que l’accès à un ERP soit hors zone inondable.
🔎 A noter : cet arrêt n’a été rendu qu’au visa de l’article R.111-2 du code de l’urbanisme, qui est une règle « souple » en ce sens qu’elle laisse une marge d’appréciation à l’administration. Elle est issue du règlement national d’urbanisme et s’applique, que le territoire soit couvert par un PLU ou non.
Cependant, des juridictions du fond ont appliqué la solution à d’autres dispositions et en particulier, celles de plans locaux d’urbanisme.
La question posée par le tribunal administratif de Toulon le 8 novembre 202 (n°2400101) au Conseil d’Etat pour avis était la suivante :
« Un pétitionnaire qui, en dehors de toutes dispositions législatives et réglementaires prévoyant la possibilité pour l’autorité compétente d’assortir son autorisation d’urbanisme de prescriptions spéciales, se voit opposer un refus de permis de construire ou une opposition à déclaration préalable, peut-il se prévaloir, devant le juge, de ce que, bien que son projet méconnaisse les dispositions législatives et réglementaires dont l’administration est chargée d’assurer le respect, cette dernière aurait pu ou dû lui délivrer cette autorisation en l’assortissant de prescriptions ? »
Autrement dit, la question était de savoir s’il fallait généraliser cette solution, et l’appliquer non pas au seul article R.111-2 du code de l’urbanisme, mais à toutes les règles applicables, même celles « impératives » tirées du plan local d’urbanisme.
💬 Par exemple, si mon projet méconnait la règle de hauteur de 15 centimètres au regard d’un article du PLU, est-ce que le refus de permis est illégal au prétexte qu’il suffisait à l’administration de délivrer le permis assorti de la prescription m’enjoignant à baisser de 15 centimètres ma construction ?
❌La réponse apportée par le Conseil d’Etat est négative. Ce n’est pas le travail de l’administration, c’est la responsabilité du pétitionnaire qui dépose son dossier, et cela pour au moins trois raisons.
La réponse du Conseil d’Etat s’articule en trois points.
📍Premièrement, le rôle de l’administration est de s’assurer de la conformité du projet aux dispositions législatives et réglementaires applicables (art. L.421-6, L. 421-7).
📍Deuxièmement, le pétitionnaire est parfaitement autorisé à faire évoluer son projet en cours d’instruction, tant que ces modifications n’en modifient pas la nature (Conseil d’Etat, 1er décembre 2023, n°448905). D’ailleurs, le service instructeur peut porter ses interrogations et demandes de correction au pétitionnaire.
📍Troisièmement, c’est donc une faculté offerte à l’administration – et non une obligation – d’accorder un permis (ou de ne pas s’opposer à une déclaration préalable) sous couvert de prescriptions. L’inverse ferait peser un poids trop fort sur les services d’urbanisme qui instruisent les demandes. Cela impacte aussi l’office du juge.
C’est donc finalement une solution de « responsabilisation » du pétitionnaire qui est choisie, l’idée étant qu’il est toujours possible en cours de route d’amender un projet et d’envoyer des pièces correctives et modificatives.
Pour autant, l’efficacité de cette solution est aussi suspendue à la qualité du dialogue entre le pétitionnaire et le service instruisant le dossier. Certaines communes vont jusqu’à proposer une « pré-instruction », d’autres, potentiellement moins bien dotées, n’en auront pas nécessairement les moyens.
Au-delà du refus de généralisation, il s’agit aussi de revenir sur l’ancienne solution, puisque l’avis du Conseil d’Etat ne fait pas la distinction entre la nature de la règle visée.
Voir également notre article Que faire en cas de refus de permis de construire ?
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- Analyse des motifs de refus
- Identification des éléments du projet à rectifier pour obtenir le permis de construire (ou la non-opposition à déclaration préalable)
- Recours gracieux et contentieux, devant le tribunal administratif, contre le refus de permis de construire