Lorsque vous recevez une décision administrative qui vous est défavorable, qu’elle soit explicite ou qu’elle résulte du silence de l’administration sur votre demande, vous ne pouvez utilement la contester qu’en respectant les délais de recours.
La règle est bien sûr plus complexe, mais retenez simplement qu’un recours qui arrive trop tard est un recours inutile et que vous avez généralement deux mois pour contester l’acte. Ce rappel fait, si vous êtes curieux des subtilités, vous pouvez poursuivre la lecture. Certaines clés de compréhension (pas toutes en raison des nombreux cas spécifiques !) sont exposées.
D’abord, il faut comprendre à quoi correspondent ces recours. En réalité, les trois recours précités (gracieux, hiérarchique, RAPO) sont des « recours administratifs » et ont pour but de permettre un réexamen de la situation par l’autorité qui a pris la décision. Dit autrement, le recours administratif permet aux administrés de faire connaître à l’administration leurs griefs contre la décision prise à leur encontre, et de lui demander de la retirer (rétroactif) ou de l’abroger (pour le futur) – cf article L.242-3 du code des relations entre le public et l’administration).
Dans certains cas, il est obligatoire d’introduire un tel recours avant toute action devant le juge. C’est le fameux « RAPO ». Vous n’avez pas accès au juge si vous n’avez pas fait votre recours au préalable. C’est par exemple le cas en matière fiscale, pour les questions d’accès aux professions réglementées où le RAPO est adressé aux ordres professionnels, ou encore en matière de refus de visa.
Le saviez-vous ? Dans certains pays, il n’y a pas le choix : les recours devant un juge administratif ne peuvent se faire sans ce préalable (ex : Allemagne).
Le recours est dit « recours hiérarchique » lorsqu’il est déposé auprès de la personne sous l’autorité de laquelle est placée celle qui a pris la décision (par exemple, si vous faites un recours contre la décision d’une autorité diplomatique ou consulaire refusant la délivrance d’un visa, l’exercice du recours hiérarchique pourra se faire auprès du ministre des affaires étrangères).
Le recours est dit « recours gracieux » lorsqu’il est adressé à l’autorité qui a édicté la décision contestée (par exemple en matière de permis de construire, c’est le plus souvent le maire). On a souvent tendance à dire que le recours gracieux est la voie qui présente les meilleures chances de succès. Ce n’est pas toujours vrai et dépend du contexte du litige.
Vous n’avez que deux mois pour faire le recours à compter du jour où la décision vous a été notifiée (article L.112-1 du code des relations entre le public et l’administration), et l’administration n’a que quatre mois à compter de la prise de décision pour retirer la décision illégale.
Si la démarche n’a pas abouti au retrait de la décision qui vous pose difficulté, il est possible de saisir le juge administratif d’une demande d’annulation.
En l’absence de RAPO instauré par les textes réglementaires ou législatifs, il est tout à fait envisageable d’introduire directement un recours contentieux devant le juge administratif. Cette stratégie peut être préférable lorsque l’on a des éléments permettant de penser que l’administration n’accèdera pas à la demande de retrait ou d’abrogation et qu’un recours administratif ne ferait que retarder le dénouement de la situation.
Mais de manière générale, le recours administratif présente un double intérêt : d’une part, il permet d’essayer d’obtenir une solution non-contentieuse et d’autre part, il fait gagner du temps sur la rédaction de la requête introductive d’instance.
- Règle générale : vous disposez de deux mois à compter de la notification de la décision (article R.421-1 du code de justice administrative).
- Si vous avez précédé votre recours contentieux d’un recours administratif : vous avez potentiellement gagné quatre mois de plus à compter de l’envoi de votre recours : les deux mois dans lesquels l’administration doit vous répondre, plus deux mois pour attaquer cette nouvelle décision (attention, si l’administration répond vite, ce temps gagné est écourté puisque son délai pour répondre démarre plus tôt).
Lorsqu’un requérant agit sans représentation d’avocat, il peut communiquer avec la juridiction soit par voie papier, soit par Télérecours Citoyen (qui est l’équivalent de l’application Télérecours pour les avocats).
Pour mémoire, passé le délai de recours contentieux de deux mois, toute requête est irrecevable, ce qui pose la question de la prise en compte des délais de distribution par les services postaux dans le calcul de ce délai.
Or, il existait une différence de traitement selon le mode de communication choisi, puisque de jurisprudence constante, la règle était celle de la « date de réception » : en cas d’envoi postal, la recevabilité des recours s’appréciait à la date de remise au greffe de la juridiction et non à la date d’envoi. En cas d’utilisation de l’application Télérecours Citoyen, la date de dépôt sur la plateforme fait foi.
Concrètement, les requérants qui adressaient leurs requêtes par voie postale étaient désavantagés de quelques jours – le temps de l’acheminement postal. La grande majorité de ces requérants pouvait penser de bonne foi qu’ils avaient jusqu’au dernier jour du délai de deux mois pour envoyer leur recours.
En pratique, le juge administratif tenait compte d’un « délai normal d’acheminement » pour assouplir la règle. Par exemple, un recours posté la veille pour le lendemain était généralement jugé irrecevable – y compris lorsque l’envoi avait eu lieu par lettre recommandée électronique, ce qui peut surprendre dans la mesure où, dans cette hypothèse, l’acheminement est annoncé par la Poste comme étant plus court.
C’est cette casuistique qui a conduit le Conseil d’Etat à modifier cette très ancienne et constante jurisprudence dans un important arrêt du 13 mai 2024 (n°466541).
La variété des solutions retenues par le juge administratif a fait dire au rapporteur public dans ses conclusions sur l’affaire que « Nous ne pouvons […] nous satisfaire de ce que la détermination des conditions d’exercice du droit d’agir en justice dépende de raisonnements aussi incertains et approximatifs ». Le rapporteur public a notamment rappelé les exigences tirées de l’article 6§1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentale portant sur le droit au recours juridictionnel, que les Etats doivent garantir.
Se rangeant aux arguments de son rapporteur public, le Conseil d’Etat a revu sa copie : désormais, la règle de la date de réception est abandonnée, au profit de la date d’envoi, cachet de la poste faisant foi !
Cette solution simplifie considérablement la question du délai : la date d’envoi fait foi pour les recours administratifs et pour les recours contentieux. Autre intérêt pour une bonne administration de la justice : la solution s’aligne sur la jurisprudence civile, offrant un surcroît de lisibilité au justiciable.
- Analyse de la faisabilité du recours
- Analyse de la décision et de l’opportunité d’un recours administratif et/ou contentieux
- Représentation devant le Tribunal administratif ou la Cour administrative d’appel
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