A l’occasion d’un récent échange entre confrères, nous avons à nouveau constaté les difficultés communes rencontrées par les avocats en droit public sur la question des délais de jugement, particulièrement en première instance devant les tribunaux administratifs, et encore plus spécifiquement devant le juge du référé.
En sont nés deux articles sur le site Village Justice que vous pouvez consulter :
- Sur ce lien pour une approche générale, co-écrit avec un confrère,
- Et sur ce lien pour une approche centrée sur des retours d’expérience récents en droit des étrangers.
Même si ces procédures contiennent un aléa assez fort en raison du fameux « filtre de l’urgence », elles restent souvent les seules à même de préserver vos droits suffisamment rapidement pour que la situation ne soit pas irréversible.
C’est celui devant lequel vous introduisez votre demande lorsqu’elle est urgente. Attention, le juge des référés ne va pas entrer dans le même détail que le juge du fond : il est seulement un « juge de l’évidence ».
Les procédures de référés devant le juge administratif sont relativement récentes[1]. Elles ont obligé la justice administrative à s’organiser, en produisant des contraintes nouvelles et en introduisant des manières de faire (par exemple, l’oralité à l’audience pour concilier les exigences de débat contradictoire et de l’urgence) qui n’était pas habituelles[2].
Plus précisément, en droit public (puisque votre avocate intervient essentiellement devant les juridictions administratives), il s’agit des procédures suivantes.
Le référé suspension, prévu à l’article L.521-1 du code de justice administrative, est une procédure qui vient se greffer à un recours en annulation (ou « recours en excès de pouvoir »). Il permet de bloquer les effets d’un acte administratif/d’une autorisation dont l’illégalité est suffisamment probable (on parle d’ « illégalité manifeste »).
Par cette procédure, le juge ne prendra que des mesures provisoires, en attendant le jugement au fond. Cela vous fait gagner du temps sur la procédure au fond (entre 1 et 3 ans environ, selon les contentieux) de sorte à éviter la réalisation d’effets irréversibles.
Pour qu’une suspension soit ordonnée, encore faut-il démontrer l’urgence à suspendre l’acte : il faut que celui-ci porte une atteinte « suffisamment grave et immédiate à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu’il entend défendre » (CE, Sect. 19 janv. 2001, Conf Nat.des radios libres, n°228815).
Par exemple, lorsque des travaux ont un impact grave sur l’environnement et n’auraient pas dû être autorisés (autorisation environnementale illégale), ou lorsqu’un permis de construire est manifestement illégal, le référé-suspension permet de suspendre l’autorisation de travaux et donc le chantier.
Délai de jugement : « dans les meilleurs délais » – en pratique entre deux semaines et un mois en fonction de l’engorgement des tribunaux.
Le référé liberté, prévu à l’article L.521-2 du code de justice administrative, permet de saisir le juge en extrême urgence pour qu’il prenne des mesures mettant fin à un acte ou à un comportement d’une personne publique portant une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale. Il n’est pas adossé à un recours au fond.
Puisque vous demandez une intervention en extrême urgence, et mobilisez ainsi les ressources du tribunal, il vous faut démontrer l’urgence de la situation en lien avec l’atteinte à cette liberté fondamentale, ce qui constitue un « cran supplémentaire » d’urgence par rapport au référé-suspension.
De nombreuses libertés fondamentales sont identifiées par le juge administratif comme ouvrant la voie au référé-liberté. On le retrouve souvent pour les interdictions de manifestations, les interruptions de soin de personnes en fin de vie, le contentieux des titres de séjour, la liberté de la presse…
A noter : Une intéressante décision a reconnu que « le droit de chacun de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé, tel que proclamé par l’article premier de la Charte de l’environnement, présente le caractère d’une liberté fondamentale au sens de l’article L. 521-2 du code de justice administrative » (Conseil d’Etat, 20 sept. 2022, n°451129).
Délai de jugement : 48h, en pratique peut être plus rapide ou nécessiter quelques jours supplémentaires (le magistrat jugera en fonction des circonstances).
Le référé mesures-utiles prévu à l’article L.521-3 du code de justice administrative est quant à lui le « référé fourre-tout » : il ne nécessite pas de décision administrative préalable, et permet d’agir alors que le référé-suspension ne serait pas possible faute de décision, et que le référé liberté ne le serait pas non plus faute d’urgence liée à une liberté fondamentale. Il reste que l’urgence doit être justifiée, et que la mesure demandée doit être nécessaire et utile.
Exemples : expulsion d’occupants irréguliers du domaine public, injonction à faire dresser un procès-verbal d’infraction aux règles d’urbanisme, injonction à faire réaliser des travaux mettant fin à un danger immédiat résultat de l’état d’un immeuble public …
Particularité : pas d’audience dans la plupart des cas (il y a quelques exceptions en fonction de la gravité de l’effet des mesures prises, par exemple pour le référé sollicitant une expulsion). Le juge prendra seulement des mesures conservatoires.
Délai de jugement : de quelques semaines à quelques mois.
Remarque : il existe d’autres référés, moins urgents (référé expertise, référé provision).
[1] Loi n°2000-597 du 30 juin 2000 relative au référé devant les juridictions administratives.
[2] Voir publication issue du séminaire au Conseil d’Etat du 23 septembre 2014 organisé par l’Association internationale des Hautes juridictions administratives (AIHJA) : « Comment réduire les délais de jugement et accélérer les procédures devant les juridictions administratives suprêmes ? » sur ce lien.
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