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Peut-on construire sur un terrain agricole ?

Et au préalable, pourquoi pas un petit rappel sur le zonage tout court.

Les territoires couverts par un plan local d’urbanisme (PLU), intercommunal ou non, peuvent comporter plusieurs « zones » (voir les articles R151-17 à R151-26 du code de l’urbanisme) :

  • Zones urbaines, en principe constructibles, 
  • Zones à urbaniser, qui ne sont en général pas bâties ou peu densément et ont vocation à voir l’urbanisation se renforcer,
  • Zones agricoles, correspondant aux secteurs de la commune, équipés ou non, à protéger en raison du potentiel agronomique, biologique ou économique des terres agricoles
  • Zones naturelles et forestières, en principe inconstructibles et dédiées aux secteurs à protéger en raison d’une liste de circonstances prévues au code de l’urbanisme :

    « 1° Soit de la qualité des sites, milieux et espaces naturels, des paysages et de leur intérêt, notamment du point de vue esthétique, historique ou écologique ;
    2° Soit de l’existence d’une exploitation forestière ;
    3° Soit de leur caractère d’espaces naturels ;
    4° Soit de la nécessité de préserver ou restaurer les ressources naturelles ;
    5° Soit de la nécessité de prévenir les risques notamment d’expansion des crues ».

Vous les retrouverez au règlement du PLU sous forme de document graphique (carte), et dans le règlement écrit.  

(Source de l’exemple : Plan de zonage – PLU de Reims)

Distinguer des zones permet à la collectivité de les soumettre à des réglementations différentes. Ainsi, elle peut organiser l’utilisation de l’espace et assurer la cohérence de son projet de territoire.

Les règles d’occupations et d’utilisations des sols interdites – ou autorisées sous conditions – se situent en général au tout début de règlement écrit. Parfois, elles sont immédiatement précédées d’un préambule qui explique la vocation de la zone. En général, ce préambule est dépourvu de force juridique mais plus il est précis, moins il est possible pour les porteurs de projet de s’en écarter. Le projet de territoire est ainsi raconté.

Voici un exemple d’approche radicalement différente de la vocation d’un zonage agricole entre un territoire très urbanisé et un territoire plus rural :

Le code de l’urbanisme fixe les principes applicables dans les zones agricoles et naturelles (code de l’urbanisme, article L.151-11 et suivants ; article R.151-22 et suivants).

Voici quelques projets susceptibles d’être autorisés en zone agricole :

  • Constructions nécessaires à l’exploitation agricole;
  • Constructions nécessaires au stockage et entretien du matériel agricole par les coopératives ;
  • Si le PLU le prévoit, constructions accueillant des activités compatibles avec l’exploitation agricole visant la transformation, le conditionnement et la commercialisation de ces produits (article L.151-11 du code de l’urbanisme), y compris les installations de méthanisation,
  • Extension des bâtiments d’habitation et leurs annexes, à condition de respecter la qualité paysagère du site (article L.151-12 du code de l’urbanisme),
  • Dans certaines zones strictement limitées, le PLU peut mettre en place des « STECAL», secteurs de taille et de capacité d’accueil limitées. En leur sein, il sera possible de construire sous réserve de certaines conditions notamment d’insertion dans l’environnement et de compatibilité avec le caractère naturel, agricole ou forestier de la zone. A noter que ces STECAL doivent rester tout à fait exceptionnels. Lorsque les collectivités mettent en place des STECAL, elles demandent au préalable l’avis de la commission départementale de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers (CDPENAF).
  • Equipements collectifs, sous réserve de ne pas porter atteinte à la sauvegarde des espaces naturels et d’être compatible avec l’activité agricole,
  • Parfois, des changements de destination d’anciens bâtiments agricoles sont possibles en vue de leur réhabilitation.

Revenons sur quelques unes de ces possibilités.

Une activité agricole est définie comme ceci (article L.311-1 du code rural et de la pêche maritime) :

« Sont réputées agricoles toutes les activités correspondant à la maîtrise et à l’exploitation d’un cycle biologique de caractère végétal ou animal et constituant une ou plusieurs étapes nécessaires au déroulement de ce cycle ainsi que les activités exercées par un exploitant agricole qui sont dans le prolongement de l’acte de production ou qui ont pour support l’exploitation. Les activités de cultures marines et d’exploitation de marais salants sont réputées agricoles, nonobstant le statut social dont relèvent ceux qui les pratiquent. Il en est de même des activités de préparation et d’entraînement des équidés domestiques en vue de leur exploitation, à l’exclusion des activités de spectacle. Il en est de même de la production et, le cas échéant, de la commercialisation, par un ou plusieurs exploitants agricoles, de biogaz, d’électricité et de chaleur par la méthanisation, lorsque cette production est issue pour au moins 50 % de matières provenant d’exploitations agricoles. (…) ».

Votre construction doit être nécessaire à l’activité agricole telle que définie ci-dessus. Il s’agit des granges, hangars, silos, étables, poulaillers…

La simple affiliation à la mutuelle sociale agricole n’est pas suffisante pour dire que l’activité est agricole. L’administration pourra refuser le permis de construire ; le juge va apprécier concrètement la nature de l’activité (voir la Réponse ministérielle n°13550 au JO du Sénat Q, 7 oct. 2010, p. 2611).

Si cette activité a cessé (ou si vous avez pris votre retraite), vous ne pourrez pas justifier du caractère professionnel de l’activité dans le cadre de la quelle vous demandez à construire.

A noter : sauf exceptions auxquelles on reviendra plus loin, il est jugé qu’on ne peut pas construire d’édifice hôtelier en zone agricole (voir la décision du Conseil d’Etat, 14 février 2007, N°282398 : il était question d’un éleveur de brebis et d’agneaux qui tenait aussi une production de fruits et légumes et souhaitait construire un gîte rural alors que son terrain était situé en dehors des parties urbanismes de la commune, non-couvert par un PLU).

De même, le contentieux des panneaux photovoltaïques en toiture est intéressant. Certains tribunaux analysaient en détail les circonstances : si la quantité d’énergie produite restait faible et ne couvrait pas les besoins énergétiques de l’exploitation, il était considéré que les conditions pour construire en zone agricole n’étaient pas réunies. Toutefois, la jurisprudence semble plus souple aujourd’hui. Tant que le PLU ne s’y oppose pas par ailleurs, l’installation de « serres agricoles photovoltaïques » utiles à l’activité agricole peuvent être implantées (voir Conseil d’État, 3 octobre 2016, n°390716 qui nous précise que l’électricité peut tout à fait servir à d’autres activités ; Conseil d’État, 12 juillet 2019, 422542).

Attention toutefois, le but n’est pas d’autoriser des parcs photovoltaïques au prétexte de cultures. Cette démarche a déjà été censurée (Conseil d’Etat, 8 février 2017, n°395464).

Souvent, la question se pose de savoir si l’exploitant peut établir sa résidence à proximité de son exploitation.

La jurisprudence est fournie, et reste extrêmement stricte. Il faut que ce logement soit rendu nécessaire par la nature de l’activité (nécessaire protection permanente et rapprochée). Souvent, il est plus facile de démontrer cette nécessité pour des activités d’élevage que pour des activités de culture. Par exemple, cela a pu être refusé pour une exploitation de vignes (Conseil d’Etat, 5 octobre 2018, n°409239). Le Conseil d’Etat a ainsi jugé qu’une telle proximité existait pour la culture du safran (Conseil d’Etat, 7 novembre 2012, Epoux Gaigne et Cne de Grans, n°334424), ou encore l’élevage des escargots (Conseil d’Etat, 4 décembre 2013, n°362639).

N’hésitez pas à vous rapprocher de votre chambre d’agriculture. Certaines produisent des guides particulièrement utiles et lisibles, à l’instar de la Chambre d’agriculture des Pyrénées Atlantique (voir sur ce lien – quoi qu’un peu ancien désormais, et non à jour des lois Elan de 2018 et Climat de 2021).

Certains changements de destination d’anciens bâtiments agricoles sont possibles en vue de leur réhabilitation  : habitation, gite touristique en particulier.

C’est la valeur patrimoniale ou architecturale de ces constructions qui justifie de déroger au principe d’inconstructibilité des zones agricoles.

Le PLU doit identifier ces bâtiments et le changement de destination est soumis à l’avis conforme de la commission départementale de la préservation des espaces agricoles, naturels et forestiers (CDPEANF). Il faudra que ces projets de réhabilitation restent compatibles avec les exploitations agricoles environnantes.

Dans de tels projets, il convient d’être très vigilant aux conséquences : avec ce type de réhabilitation, vous créez une zone non épandable autour de l’habitation, vous empêchez probablement l’édification de bâtiments agricoles qui seraient soumis au régime des installations classées, et il vaut mieux éviter le risque de conflits de voisinage (bien que d’un point de vue des troubles anormaux du voisinage, la règle d’antériorité protège en principe le premier arrivé).

A défaut de PLU, votre commune est peut être « au RNU », c’est-à-dire qu’elle est couverte par les dispositions du règlement national d’urbanisme, qui contraint la collectivité au « principe de constructibilité limitée » (article L.111-3 du code de l’urbanisme).

Concrètement, il n’est possible de construire que sur les parties déjà urbanisées de la commune (bourg, hameaux existants…). Il existe quelques exceptions au principe – notamment lorsqu’il s’agit de réhabiliter une construction existante.

Lorsqu’on est « au RNU », les principes sont globalement les mêmes : les constructions et installations nécessaires à l’exploitation agricole seront possibles tant qu’elles ne sont pas incompatibles avec l’exercice de cette activité agricole, pastorale ou forestière.

Si le territoire est couvert par une carte communale, la règle de constructibilité limitée tombe et la commune peut définir des secteurs constructibles.

Cela étant, il existe toujours pour l’autorité compétente une possibilité de s’opposer au phénomène de « mitage » : un projet peut toujours être refusé ou accepté sous réserve de prescriptions spéciales si, en raison de sa nature, sa localisation ou sa destination, il risque de favoriser une urbanisation dispersée incompatible avec la vocation des espaces naturels environnants, en particulier lorsque ceux-ci sont peu équipés (article R.111-14 du code de l’urbanisme).

Attention, d’autres autorisations peuvent être requises pour un projet en milieu rural.

C’est particulièrement le cas de la construction de bâtiments agricoles eux-mêmes, qui relèveront souvent de la police des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) prévue au code de l’environnement. Pour savoir si vous en relevez, il faut consulter la nomenclature annexée à l’article R.122-2 de ce code, et respecter la procédure adaptée à votre exploitation (voir par exemple un bref récapitulatif sur le site du Ministère de l’agriculture).

(Source : site Aida de l’INERIS)

Vous pourriez aussi avoir besoin d’une autorisation dite « loi sur l’eau », ou une autorisation de défrichement, etc.

La configuration variée de l’activité agricole est susceptible de nécessiter des autorisations assez variées.

(Image d’en-tête : designed by Freepik) 

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