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Chasse et droit de vivre dans un environnement équilibré

Le tribunal administratif de Toulouse a suspendu, par son ordonnance n°2405970 du 4 octobre 2024, l’arrêté du 27 septembre 2024, le préfet de l’Ariège a instauré dans ce département un prélèvement maximal et a fixé des quotas de prélèvements de galliformes de montagne (le fameux lagopède alpin mais aussi la perdrix grise des montagnes) pour la campagne cynégétique 2024-2025 – autrement dit, l’arrêté autorisant la chasse de ces oiseaux.

Comme souvent dans ce type de contentieux, la suspension a été obtenue par une association de protection de l’environnement, ici l’association « Le comité écologique ariégeois » (l’association One Voice est également active sur le sujet).  La Fédération départementale des chasseurs de l’Ariège est intervenue volontairement à l’instance.

La suspension est partielle : elle vise seulement le lagopède.

L’intérêt du référé-liberté ici est qu’il intervient vite : théoriquement, une audience puis une décision doivent être pris en quelques jours seulement. Dans cette ordonnance, le tribunal relève qu’il restait cinq jours de chasse et que sur les 10 lagopèdes à prélever, un seul l’avait été. Dans d’autres contentieux, la suspension ou l’annulation sont « théoriques » et en tout cas, inutiles : les oiseaux ont déjà été prélevés.

Pour le contexte, la chasse des galliformes de montagne fait l’objet d’une bataille juridique régulière devant les tribunaux, au niveau national comme local (Isère, Savoie en 2020, Haute-Savoie en 2019, Ariège en 2021 pour des exemples récents – mais cette bataille a commencé des années plus tôt). La LPO est notamment présente sur ce dossier.

Les Fédération de Chasseurs (exemple en Hautes-Pyrénées) mettent en avant le fait que la chasse permet une régulation des espèces.

Ce contentieux trouve sa clé de voute dans les objectifs de conservation des espèces issus de la directive Oiseaux (Directive n°2009/147/CE du 30 novembre 2009). Cette directive vise à la conservation de tous les oiseaux sauvages dans l’Union européenne (UE) en fixant des règles pour leur protection, leur conservation, leur gestion et leur régulation. Elle n’interdit pas la chasse des oiseaux protégés, mais encadre celle-ci par des principes, tel le maintien de la population à un niveau satisfaisant ou l’interdiction de la chasse aux périodes de reproduction. Les Etats membres doivent veiller à ce que la chasse ne compromette pas les efforts de conservation entrepris dans l’aire de distribution des oiseaux.

Dans l’affaire ayant donné lieu à l’ordonnance du tribunal administratif de Toulouse, l’espèce – le lagopède alpin – figurait à l’annexe II de la directive Oiseaux, par conséquent la chasse est possible sous réserve d’être réglementée, pour assurer cette conservation.

Le tribunal précise que « Tel n’est pas le cas lorsque ces efforts de conservation ne suffisent pas à empêcher une diminution sensible des effectifs de cette espèce, dès lors qu’une telle diminution est susceptible de conduire, à terme, à la disparition de cette espèce protégée ».

En principe, l’Etat français met en place, pour ce faire, un dispositif de quotas de prélèvement maximum.

🚩  En l’espèce, le Tribunal sanctionne l’Etat pour avoir :

  • d’une part, mal évalué ses quotas en ne tenant compte que des chiffres de la fédération des chasseurs,
  • et d’autre part, fixé un quota de prélèvement ne permettant pas de garantir, de manière effective et certaine, la conservation des espèces dans cette aire de distribution du lagopède alpin.

En référé-liberté (voir notre article, L’urgence et le juge administratif), on n’obtient rien sans mettre en balance une liberté fondamentale qui serait mise à mal par la puissance publique. Or, établir cette méconnaissance en matière environnementale est difficile.

En 2022, le Conseil d’Etat a reconnu que le droit de chacun de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé était une liberté fondamentale permettant la saisine du juge en référé-liberté. Cet arrêt concernait précisément la protection d’espèces dans le cadre d’une déclaration au titre de la loi sur l’eau et d’une autorisation de défrichement (Conseil d’État, 2ème – 7ème chambres réunies, 20/09/2022, 451129).

Peu de référés-libertés donnent effectivement lieu à une suspension sur ce fondement. L’ordonnance du 4 octobre 2024 du tribunal administratif de Toulouse en est un exemple.

En l’espèce, après avoir analysé l’arrêté préfectoral comme méconnaissant les objectifs de la directive Oiseaux, le tribunal considère que l’association était bien fondée à soutenir que l’arrêté portait une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté fondamentale du droit à un environnement sain et notamment qu’il aurait des conséquences irréversibles sur l’environnement.

Image : Le Lagopède mort (autoportrait) – William Orpen, 1909

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